[AfrICANN-discuss] L’Afrique a-t-elle perdu la bataille des contenus numériques ?

Anne-Rachel Inné annerachel at gmail.com
Sun Apr 8 13:34:00 SAST 2012


 L'Afrique a-t-elle perdu la bataille des contenus numériques ?
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 [image: Masque du 16e siècle de l'ancien empire du Bénin dont la vente aux
enchères par Sotheby 's avait été annulée suite à une pétition et une page
Facebook du Nigeria Liberty Forum.] Masque du 16e siècle de l'ancien empire
du Bénin dont la vente aux enchères par Sotheby 's avait été annulée suite
à une pétition et une page Facebook du Nigeria Liberty Forum.

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   -  Samedi, 07 Avril 2012 20:29

 *(Agence Ecofin) - << L'Afrique doit gagner la bataille des contenus. >>
Sous une forme ou une autre, cette idée a été abondamment exprimée dans de
nombreux séminaires, ateliers et conférences ayant pour thème les enjeux de
la société de l'information. Une quinzaine d'années après l'introduction de
l'internet dans la plupart des pays africains, on peut se demander
aujourd'hui où en est l'Afrique avec la bataille des contenus numériques.*

 Tout d'abord, qu'est-ce que la bataille des contenus ? Olivier Sagna,
secrétaire général d'Osiris, l'Observatoire sur les systèmes d'information,
les réseaux et les inforoutes au Sénégal, entend par cette expression << *le
combat pour une présence de contenus africains sur Internet, pour que
l'Afrique ne soit pas uniquement consommatrice mais aussi productrice de
contenus ; à savoir de l'information, bien sûr, mais aussi des
connaissances, des jeux, des services et des applications - tout ce secteur
dans lequel évoluent aujourd'hui les milliardaires en dollars de la société
de l'information* >>*.*

 *Commencer par le commencement*

A y regarder cependant de plus près, la bataille pour davantage de contenus
africains n'a pas commencé avec l'avènement de l'internet. Avant
l'apparition du web au début des années 1990, coup d'envoi d'une
circulation sans précédent de l'information à travers le monde en termes de
volume et de rapidité, le ton avait été donné au milieu des années 1970
lorsque l'Unesco, alors dirigée par le Sénégalais Ahmadou Mahtar M'Bow,
engagea le combat pour un << nouvel ordre mondial de l'information et de la
communication >> (NOMIC). Face au déséquilibre des flux d'information entre
le Nord et le Sud, entre les pays développés et les pays en développement,
l'Unesco proposait de trouver les moyens de réduire le *gap.* Cependant, à
sa conférence, tenue à Nairobi, au Kenya, en novembre 1976, les Etats-Unis
et la Grande-Bretagne s'opposèrent farouchement au projet de nouvel ordre
mondial de l'information et de la communication. Y adhérer, selon leurs
délégués, c'était en quelque sorte céder à la politisation d'une
organisation à vocation essentiellement culturelle. La bataille, à
l'époque, fut perdue.

 Inventé et popularisé plus tard, l'internet a remis au goût du jour, à sa
manière, cette volonté de faire entendre la voix des pays du tiers-monde et
d'être, comme disait le président et poète Léopold Senghor, au << *rendez-vous
du donner et du recevoir* >>. Avec le réseau mondial, l'Afrique pourrait
enfin - théoriquement du moins - proposer sa propre information, sa propre
vision des choses, son propre savoir, ses propres contenus, brisant de ce
fait << *le silence autour du tiers-monde,* *la déformation dont les
informations *[la]* concernant font l'objet dans les médias des pays du Nord
* [et] *la propagande culturelle du Nord en direction du Sud* >>.

 Tout ce vaste programme valait bien que l'on engageât la << bataille des
contenus >>. Celle-ci a dû tout de même commencer par le commencement :
l'accès à Internet. De ce point de vue, si l'Afrique reste encore la
dernière de la classe parmi les continents, elle a quand même fait, depuis
qu'elle a eu accès au réseau planétaire, beaucoup de progrès dans la
connectivité et, d'une manière générale, dans l'accès aux technologies de
l'information et de la communication. Y compris les télécommunications par
lesquelles passent, ou vont passer dans le futur, de plus en plus de
contenus numériques à travers les terminaux que sont les smartphones et les
tablettes. Alex Corenthin, gestionnaire du domaine national du Sénégal,
confirme, dans une interview au quotidien *Le Soleil*, l'importance de cet
accès : << *C'est en ayant accès que l'on peut valoriser les contenus. (...)
Si vous voulez offrir un contenu, il faudrait que votre public puisse y
accéder. (...) S'il y a un marché potentiel, le contenu va suivre. Plus il y
a d'utilisateurs connectés à Internet, plus il y aura de développeurs pour
mettre à leur disposition des contenus*. >>

 *Des insuffisances loin d'être comblées*

On peut dire aujourd'hui que l'Afrique a beaucoup progressé dans l'usage de
l'internet et des services de télécommunications. Si l'accès est encore
loin d'être universel, les statistiques de l'Union internationale des
télécommunications indiquent cependant que le taux de pénétration
d'Internet était à 9,6% en 2011 (contre 30% dans le reste du monde), soit
quelque 90 millions d'internautes sur les 900 millions d'Africains, même si
la pénétration du haut débit - moins de 1% (contre 20% dans le reste du
monde) - reste encore embryonnaire. Dans les télécommunications, aspect le
plus populaire des technologies de l'information et de la communication,
les statistiques sont plus réjouissantes puisque le continent enregistre
aujourd'hui près de 600 millions d'abonnés à la téléphonie mobile. Même
s'il reste encore beaucoup à faire, il est loisible de penser qu'avec près
de 100 millions d'abonnés à Internet et 600 millions d'abonnés au mobile,
la cible est suffisamment significative pour que les contenus africains
trouvent une place pour s'exprimer.

 C'est par la presse qu'ils ont commencé à s'affirmer sur Internet. Pierre
Dandjinou, conseiller régional des TIC au Programme des Nations Unies pour
le développement (PNUD), soutenait en 2006 que le contrôle des contenus
dans les supports en ligne << *doit être la bataille de demain* >>* *et que <<
*les Africains doivent pouvoir proposer des contenus aussi variés et
attractifs *[que ceux des]* sites occidentaux* >>. De nombreux journaux
africains proposent aujourd'hui, outre leur édition imprimée, des
informations en ligne. D'autres éditeurs publient leurs nouvelles
exclusivement en ligne. Cela a été un premier pas important dans la
bataille des contenus, si l'on sait qu'il y a moins de deux décennies
l'information diffusée mondialement par des Africains sur l'Afrique était
plutôt rare. Aujourd'hui, quelle que soit sa situation géographique, chacun
peut s'informer en ligne sur l'actualité de n'importe quel pays africain,
juste en consultant un site dédié.

 Toutefois, depuis que l'on parle de la bataille des contenus, les
insuffisances - partie intégrante de la fracture numérique - sont loin
d'être comblées en ce qui concerne les contenus qui nous viennent
d'ailleurs et ceux proposés par des Africains aux Africains et au monde
entier. A la question de savoir si l'Afrique a gagné la bataille des
contenus, certains, comme Olivier Sagna, répondent sans détour par la
négative. Pour le secrétaire général d'Osiris, si << *nous avons progressé
du point de vue de l'accès et sommes donc plus nombreux à consommer les
produits et services des autres* >>*, *par contre* *<< *nous n'avons pas
commencé de manière significative à proposer des contenus qui sont lus,
écoutés et consommés par d'autres* >>.

 Ce verdict peut paraître sévère. Mais, mondialement, l'Afrique ne pèse pas
beaucoup dans les contenus numériques. A l'instar de ce qui se passe dans
le domaine du matériel technologique, où l'Afrique ne peut se prévaloir
d'aucun produit ayant une diffusion mondiale (ordinateurs de bureau ou
portables, tablettes, téléphones mobiles, smartphones, etc.), à l'instar de
ce qui se passe dans le secteur des logiciels où elle est également plus
consommatrice qu'éditrice (même s'il existe plein de logiciels locaux ici
et là), les informations et le savoir africains peinent à irradier la
planète, en dépit des énormes possibilités qu'offre l'internet. Ne dit-on
pas que les technologies de l'information et de la communication << *mettent
tout le monde au même niveau* >> ? A l'épreuve, cette assertion se révèle
bien plus théorique qu'effective.

 *Bases de données européennes ou américaines*

Pourquoi tant de difficultés à peser dans les contenus numériques
mondiaux ? Parce que, << *pour produire* [de la connaissance] et *surtout
innover et inventer, il faut investir dans la recherche et libérer les
énergies ; ce que nous, en Afrique, ne faisons pas pour le premier aspect
et ne savons pas faire pour le second aspect* >>,* *explique encore Olivier
Sagna.* *Voilà pourquoi, constate-t-il, << *nous n'avons pas l'équivalent d'*Al
Jazeera*, aucun grand journal, aucune grande radio à l'échelle de l'Afrique*>>.

 Voilà aussi pourquoi la majorité des Africains surfent davantage sur les
sites non africains que sur les sites africains pour s'informer ou
communiquer, à la différence des internautes des autres continents. La
recherche se fait sur *Google* ou *Yahoo!*, les vidéos se regardent sur *
YouTube*, le courrier électronique se pratique avec *Gmail*, *Hotmail* ou *
Yahoo!*, la recherche de savoir se fait sur *Wikipédia*... Tous ces services
sont << étrangers >> à l'Afrique. En outre, le plus souvent, même les
contenus relatifs à l'Afrique sont hébergés dans des bases de données
européennes ou américaines, parce que, là-bas, on a pris le temps
d'organiser les données, de les classer, de les mettre régulièrement à jour
et de réfléchir sur un modèle économique pour les commercialiser. En
Afrique, beaucoup de journaux en ligne en sont encore à la mise à jour
toutes les vingt-quatre heures, en fonction de la parution de l'édition
imprimée. Une manière de faire totalement étrangère aux meilleures
pratiques du web.

 Que faire alors pour marquer des points dans la bataille des contenus ?
Pour Olivier Sagna, << *si l'on veut peser* >>, il faut prendre << *des
initiatives sous-régionales (Afrique de l'Ouest par exemple), voire
régionales (Afrique), compte tenu du contexte de mondialisation. Il s'agit
d'avoir des consortiums qui travaillent sur de grands projets, et non nos
petites entreprises locales qui travaillent sur des projets à dimension
nationale.* >>

 A ce stade, on peut se demander si l'idée d'une << *base de données
culturelles, techniques et économiques au service du développement des pays
africains et de leur coopération* >>, avancée par Léopold Sédar Senghor, ne
reste pas toujours pertinente (voir l'encadré << Senghor et sa base de
données culturelles, techniques et économiques >>). Un tel outil
n'incarne-t-il pas un véritable projet de contenus numériques, de surcroît
théorisé avant la popularisation de l'internet ?

 *Alain Just COLY*

   * *

*L'édition web, pour des contenus << compatibles Internet >>*

* *

Les éditeurs africains de plateformes d'informations ont des efforts à
faire sur les aspects rédactionnels et organisationnels des contenus qu'ils
diffusent. Seydou Sissouma, journaliste malien, constatait il y a quelques
années: << *Il n'est pas rare qu'un inter-naute malien se retrouve dans
l'incapacité de décoder un article d'un journal ivoirien, à cause des
référents culturels qui structurent le texte préalablement destiné à un
lectorat local. On peut multiplier à l'envi les exemples à l'échelle du
continent. Que dire alors du lecteur canadien ou japonais ? Écrire pour le
Net devient dès lors un passage obligé pour le succès de la presse
africaine en ligne.* >>

Dans la plupart des rédactions africaines, les éditeurs web se contentent
de poster tels quels sur le site les articles du journal imprimé. Mais si
la version imprimée n'est destinée, du fait d'une contrainte
<< géographique >>, qu'aux lecteurs locaux qui comprennent tous les référents
culturels utilisés par les journalistes, le journal en ligne peut, lui,
être lu par des lecteurs de tous les pays, dont la plupart, évidemment, ne
maîtrisent pas les référents culturels en question.

[image: 034_bataille_des_co]

 Un lecteur hollandais ou indien, ou tout simplement d'un autre pays
africain, ne comprendra pas, par exemple, le terme << ndiaga ndiaye >>,
souvent utilisé dans la presse sénégalaise, qui désigne une certaine
catégorie de cars de transport en commun. Un tel terme utilisé dans un
article ne sera pas, dans la majorité des cas, compris par les
non-Sénégalais. D'où la nécessité de faire des efforts pour éditer les
articles avant leur publication sur le web, de façon à les rendre, en
quelque sorte, << compatibles Internet >>. Ce n'est qu'ainsi qu'ils seront
compris de tous les internautes, et non pas d'une catégorie d'entre eux.
C'est là un travail d'édition web que doivent nécessairement effectuer les
éditeurs de la presse en ligne pour élargir l'accessibilité de leurs
contenus et augmenter l'intérêt qu'ils suscitent.

Cette étape manque aujourd'hui crucialement dans la presse africaine en
ligne. Celle-ci ne s'intéresse pas suffisamment aux règles de la rédaction
web, qui devraient aussi être enseignées dans les écoles de formation en
journalisme.

 *AJC*

* *

 * *

*Senghor et sa << base de données culturelles, techniques et économiques >>*

* *

Bien avant l'avènement de l'internet, le président du Sénégal, Léopold
Sédar Senghor, avait théorisé, dans un texte datant de décembre 1980, la
création de ce qu'il appelait << *une base de données culturelles,
techniques et économiques* >> pour l'Afrique. Il s'agissait, avant l'heure,
d'un véritable projet multimédia, puisque Senghor écrit que << *cette
base*[de données]
*multiculturelle signifie que ce projet doit prendre en considération tous
les aspects culturels *[des]* peuples, sous les formes d'expression qui
leur sont familières, et ne pas se contenter d'archiver des documents
écrits peu représentatifs ou *[des]* témoignages indirects de ces
phénomènes. Cela entraîne que la base de données contiendra une majorité de
documents non écrits, sonores, musicaux, graphiques, photographiques ou
cinématographiques (...).* >>

La notion de contenu local n'était pas étrangère au projet, car, écrivait
Senghor, << *cette construction* [doit être] *ancrée dans les langues
naturelles des peuples concernés, symbole de leur ancienneté culturelle et
de leur identité profonde. Cela concerne surtout l'ensemble des documents
d'expression individuelle ou collective, mais il serait souhaitable que
cela soit étendu à tous les documents dont la traduction serait
appauvrissante* >>. Pour Senghor, << *l'obstacle des langues non écrites peut
être facilement surmonté par un codage phonétique bien étudié ou encore un
enregistrement direct du document parlé, accompagné si nécessaire d'un
document usuel* >>. Réaliste, il suggère aussi que << *la consultation de
base pourra être faite dans les langues "techniques" - français, anglais,
espagnol et portugais -, sans oublier l'arabe (...)*. >>

Un tel projet, naturellement, devait bénéficier, selon son auteur, des
avantages de la recherche. C'est pourquoi il propose un certain nombre
d'idées qui pourraient guider la recherche pour mettre en oeuvre cette base
de données*.*

<< *Chaque capitale,* *centre de région culturelle, centre universitaire
important, *écrit-il,* comporte un "conservatoire culturel" où sont captées
les données. Tous adoptent une règle commune, tant pour les procédures
d'entrées que pour les procédures de liaisons. Les liaisons sont assurées
par satellite. Une structure relationnelle permet de relier les diverses
données (textes, iconographie, musique, etc.) et la structure est dynamique
afin de disposer de l'image en mouvement, du son, etc. Les documents sont
entrés dans la langue d'origine, ce que permet l'ordinateur. Les
traductions sont aidées par ordinateur pour en faciliter l'exécution.*

*<< Les langues d'accès et de consultation prévues sont l'anglais, l'arabe,
l'espagnol, le français et le portugais. Chaque information comporte une
présentation résumée (texte) dans les cinq langues de consultation et
renvoie à la base qui est détentrice de la totalité de l'information. La
base a un double aspect : le conservatoire *[et]* l'outil pédagogique. Cet
"outil pédagogique" est accessible aux enfants, adultes, etc. Il peut être
intégré au programme d'enseignement des écoles, etc. Des correspondants
peuvent être installés en Europe, etc. pour servir des informations de
données stockées dans les musées, dans les centres de documentation, les
journaux, etc.* >>

Comme on peut le constater, il s'agissait d'un véritable projet de contenus
numériques qui, s'il était réalisé, serait aujourd'hui un pas important
dans la bataille des contenus numériques.

* *

*AJC*

* *

* *

*Alain Just Coly, pour le magazine Réseau Télécom Network No 52*
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