[AfrICANN-discuss] Quelle gouvernance appliquer à Internet ?

Anne-Rachel Inné annerachel at gmail.com
Sun Jul 10 15:15:09 SAST 2011


 Quelle gouvernance appliquer à Internet ?
Analyse| [image: LEMONDE] | 09.07.11 | 13h49   •  Mis à jour le 10.07.11 |
11h48
par Sylvie Kauffmann


Fin juin à Dublin, une conférence a réuni, pendant trois jours, chercheurs,
politologues, spécialistes des technologies de l'information, terroristes
repentis et extrémistes en herbe, autour de la question : comment éviter la
radicalisation des jeunes ? Et comment "déradicaliser" ceux qui ont déjà
basculé dans la violence ?
 Heureuse initiative. Mais, au-delà du débat sur le fond, l'origine de ce
"Sommet contre l'extrémisme violent" ouvre des perspectives intéressantes
sur la manière dont les acteurs de l'Internet font irruption dans des
domaines qui, traditionnellement, relèvent de la compétence des Etats. Car
ce n'était ni une officine de l'ONU ni une obscure institution
intergouvernementale qui organisait ce sommet, mais Google, le géant du Web.
Ou, plus précisément, "Google Ideas",Google
Idées<http://www.lemonde.fr/sujet/7c5b/google-idees.html>
.
Créé, en 2010, au sein de la firme du célèbre moteur de recherche, Google
Idées n'est pas un département de recherche, ce n'est pas une fondation, ce
n'est pas non plus un think tank, un réservoir à idées. C'est, nous explique
Google dans un charmant néologisme, un *"think-do tank"* : une unité qui
veut *"marier les idées et l'action"*.
Pour diriger ce *"think-do tank"*, Google a débauché une jeune pousse de
l'équipe d'Hillary
Clinton<http://www.lemonde.fr/sujet/68ca/hillary-clinton.html>
 : Jared Cohen <http://www.lemonde.fr/sujet/7e32/jared-cohen.html>, 29 ans.
Jared Cohen avait rejoint le département d'Etat, en 2006, après avoir
beaucoup voyagé en Iran et au Moyen-Orient et réalisé à quel point la
pénétration des nouvelles technologies au sein de la jeunesse de cette
région, tout particulièrement Internet et les téléphones mobiles, pouvait
être un facteur de changement.
Sous la houlette d'Alec Ross<http://www.lemonde.fr/sujet/0411/alec-ross.html>,
le conseiller en innovation d'Hillary Clinton, Jared Cohen a aidé
l'administration américaine à formuler une politique dans ce domaine et son
chemin a naturellement croisé celui d'Eric
Schmidt<http://www.lemonde.fr/sujet/e5b1/eric-schmidt.html>,
le PDG de Google, qui l'a recruté en octobre 2010.
On ne saurait reprocher à Google, une entreprise tant décriée pour son
emprise tentaculaire sur le Net et sur le marché, de vouloir contribuer au
bien public et universel. En réalité, comme d'autres grandes firmes du Net,
le géant de la Silicon
Valley<http://www.lemonde.fr/sujet/e081/silicon-valley.html> est
lancé dans une course de vitesse avec les gouvernements qui se posent de
plus en plus sérieusement la question : faut-il gouverner Internet ? Bien
sûr, poser la question est déjà y répondre. Et si la réponse est oui, quelle
gouvernance lui appliquer ?
L'enjeu de la bataille pour le contrôle d'Internet est essentiel car il
concerne à peu près tout le monde : acteurs gouvernementaux, géants du
secteur privé qui, partis de rien, y occupent des positions dominantes,
acteurs de l'innovation technologique, start-up qui essaient de se faire à
leur tour une place au soleil, institutions académiques et, accessoirement,
l'immense population mondiale, directement interconnectée grâce à cet outil
révolutionnaire et à ses supports chaque jour plus innovants.
C'est ce débat qui s'est dessiné en toile de fond de l'e-G8 organisé
par Nicolas
Sarkozy <http://www.lemonde.fr/sujet/6ba2/nicolas-sarkozy.html>, fin mai, à
Paris, à la veille du G8 de Deauville. Que le président français ait réussi
à attirer sous des tentes aux Tuileries, en si peu de temps, tout le gotha
du high-tech ne s'explique pas seulement par son irrésistible pouvoir de
séduction personnel : les grands patrons des entreprises qui dominent le
marché du Net ont senti le vent tourner, en particulier en Europe, et n'ont
aucune envie que l'on ébauche des axes de réglementation en leur absence.
Pendant deux jours de discussions assez franches, les lignes de fracture se
sont clairement révélées.
Il y a les partisans d'un contrôle coordonné au niveau international, qui
ont comme chef de file le président Sarkozy et son concept quelque peu
oxymoron d'*"Internet civilisé"*. Pour eux, une réglementation
internationale s'impose face aux fléaux du piratage, de la pédophilie et du
terrorisme.
Il y a ceux qui, solidement ancrés dans l'univers d'Internet, veulent
défendre leurs acquis, s'opposent à tout contrôle gouvernemental au nom de
la liberté d'expression et affirment que de tels contrôles étoufferaient
l'innovation ; ils rêvent de dépasser le principe de *"neutralité" *de
l'Internet, qui veut que tous les utilisateurs, riches et pauvres, puissants
et anonymes, bénéficient du même accès pour alimenter les contenus du World
Wide <http://www.lemonde.fr/sujet/fb04/world-wide.html> Web. Ils font
également valoir que la technologie va si vite que toute législation risque
d'être dépassée avant même d'être mise en oeuvre, comme on l'a vu avec la
loi Hadopi. Ce groupe-là englobe les patrons de Facebook, Amazon, Google,
eBay, Yahoo ! et autres géants.
Et puis il y a les libertaires, qui d'une part mettent en garde les
gouvernements contre l'effet de censure - *"First, do no harm" *("surtout,
ne faites pas de mal"), a imploré le spécialiste des medias Jeff
Jarvis<http://www.lemonde.fr/sujet/2662/jeff-jarvis.html> devant
M. Sarkozy - et d'autre part demandent aux groupes privés dominants de faire
la place aux "entrants", jeunes innovateurs d'aujourd'hui qui seront
peut-être à leur tour les géants de demain. *"Ce qu'il faut, c'est un
Internet qui accepte les principes d'ouverture d'accès, un réseau neutre,
pour favoriser ceux qui sont pour l'instant à l'extérieur*", résume le
professeur Lawrence
Lessig<http://www.lemonde.fr/sujet/d7fc/lawrence-lessig.html>,
de Harvard.
Fin juin, l'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), qui regroupe les pays industrialisés, s'est également penchée sur la
question lors d'un sommet à Paris. Elle a prudemment opté pour une
déclaration privilégiant la liberté sur Internet.
La fameuse *"approche multi-stakeholders"*, ménageant les intérêts de tous
ceux qui sont parties prenantes, sur laquelle reposent l'ouverture et la
créativité de l'Internet, est donc préservée. Les Etats-Unis, qui
revendiquent jalousement la paternité de l'Internet, et leurs géants
électroniques privés veillent au grain.
Mais ils savent que face aux offensives des régimes autoritaires, qui tirent
les leçons du "printemps arabe" et déploient d'énormes efforts pour
contrôler l'Internet à l'intérieur de leurs frontières, et face à
l'inquiétude de gouvernements démocratiques européens soucieux de ne pas
laisser l'anarchie du Net déborder l'organisation de la vie sociale et
intellectuelle, ils vont devoir redoubler de vigilance.
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