[AfrICANN-discuss] Un nom de domaine, ça se vole…
Anne-Rachel Inné
annerachel at gmail.com
Fri May 21 13:14:30 SAST 2010
L'AUTEUR
*STEPHANE VAN GELDER
Directeur général d'INDOM et vice-président du GNSO (ICANN), INDOM*
- Ses contributions<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/2866/stephane_van-gelder/>
- INDOM <http://www.indom.com/>
SES ARTICLES
- 4 millions de dollars dépensés en lobbying "Noms de
domaine"<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/46442/4-millions-de-dollars-depenses-en-lobbying---noms-de-domaine.shtml>
- Le .YU supprimé, la Yougoslavie est vraiment
enterrée<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/46164/le--yu-supprime--la-yougoslavie-est-vraiment-enterree.shtml>
- Le bon coup de
Canon<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/45899/le-bon-coup-de-canon.shtml>
- Le .FR, fidèle reflet de l'identité nationale
?<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/45412/le--fr--fidele-reflet-de-l-identite-nationale.shtml>
- Réunion de l'Icann à Nairobi : un sommet explosif
?<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/45127/reunion-de-l-icann-a-nairobi---un-sommet-explosif.shtml>
>> Suivant<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/article/2866/stephane_van-gelder/1/>
MEME THEME
- Le .YU supprimé, la Yougoslavie est vraiment
enterrée<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/le-net/46164/le--yu-supprime--la-yougoslavie-est-vraiment-enterree.shtml>
- Le Net en 2009 vu par quelques
indicateurs<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/le-net/44867/le-net-en-2009-vu-par-quelques-indicateurs.shtml>
- "DNS public" de Google : effet d'annonce
?<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/le-net/43909/dns-public--de-google---effet-d-annonce.shtml>
- Volkswagen fait partir le .de en
tête-à-queue<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/le-net/42762/volkswagen-fait-partir-le--de-en-tete-a-queue.shtml>
- Les nouvelles extensions, trop
méconnues<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/le-net/42320/les-nouvelles-extensions--trop-meconnues.shtml>
>> Suivant <http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/meme-theme/46762/>
Un nom de domaine, ça se vole…
Le nom de domaine a beau être virtuel, sa valeur est bien réelle. Certains
n'hésitent donc pas à essayer d'en voler. Comment et pourquoi ?
Explications.
(13/05/2010)
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Lecteurs réguliers du "Journal du Net" et de cette Tribune, vous savez déjà
à quel point le nom de domaine est devenu un actif de valeur. Porte d'entrée
sur le Net, identifiant d'une marque ou d'une activité, porte drapeau d'une
société ou d'un particulier, il peut représenter parfois des investissements
de plusieurs millions. La convoitise que suscite un nom de domaine est donc
très forte, au point d'encourager le vol et le détournement par certains
individus sans scrupules.
A l'achat, certains noms sont valorisés des sommes folles. Parfois parce
qu'ils sont courts, ainsi les .COM à 2 ou 3 caractères sont particulièrement
prisés. Ceux à 1 caractère, aujourd'hui interdits à l'enregistrement,
constituent même un casse-tête pour les instances de régulation de
l'Internet. En effet, depuis des années, on se demande comment les
commercialiser sans provoquer de raz-de-marée de surenchères et de garantir
au plus grand nombre un accès équitable à ces noms...
La valeur d'un nom passe aussi par sa signification. Les plus grosses ventes
se sont ainsi faites sur des termes génériques en .COM, tout simplement
parce qu'ils sont tellement intuitifs qu'ils attirent forcément les
Internautes. Surtout lorsqu'il s'agit de noms liés au sexe ou à l'alcool...
Ainsi parmi les noms les plus chers de l'histoire on trouve beer.com,
revendu $7 millions, porn.com ($9 millions) ou le détenteur du record
absolu, sex.com revendu entre 12 et 14 millions de dollars.
*Volé pendant 5 ans*
Justement, sex.com est à l'origine d'une incroyable saga. Car il fut volé,
puis récupéré, avant d'être vendu pour cette somme affriolante. En 1994 Gary
Kremen a une idée aussi géniale que simple. Il enregistre un nom de domaine
plutôt évocateur : sex.com. A l'époque, peu de gens comprennent le potentiel
de l'Internet et l'importance des enjeux financiers qu'il pourra
représenter. Mais Kremen est plutôt du genre génie précoce. La preuve,
quelques temps plus tard il va aussi se lancer dans un autre projet, celui
de match.com, l'équivalent américain du site de rencontres Meetic.
Là où Kremen est doué pour l'Internet, Stephen Michael Cohen donne plutôt
dans les arnaques en tout genre. En 1995, il a déjà été plusieurs fois
devant les juges aux USA lorsqu'il décide de dérober sex.com. A l'époque, il
n'y a qu'un seul registrar (appelé "bureau d'enregistrement" en français, il
s'agit des sociétés comme Indom.com, habilitées à enregistrer des noms de
domaine) dans le monde. En falsifiant un fax, que le registrar en question
ne prendra même pas la peine de vérifier dans le détail, Cohen obtient la
gestion de sex.com. Dorénavant, il contrôle ce nom qui ne lui appartient pas
et va pouvoir l'exploiter pour en tirer profit.
Ainsi, de poursuites en procès, Gary Kremen mettra 5 ans pour récupérer
sex.com. Entre temps, Stephen Michael Cohen profitera au maximum de son bien
mal acquis et récoltera une petite fortune. Lors du jugement définitif dans
cette affaire, le tribunal ordonnera d'ailleurs le paiement à Kremen de $65
millions de dommages et intérêts ! Voilà qui donne une petite idée de son
manque à gagner pendant les 5 années où il n'a pu exploiter sex.com...
*Les vols de noms sont fréquents*
L'affaire sex.com illustre parfaitement l'importance de se soucier, et de se
prémunir, contre le vol d'un nom de domaine. Et des noms dérobés, il y en a
tout le temps. Rien que cette année, des noms à valeur élevée comme vl.com,
yh.com, MakeUseOf.com ou encore recent.net ont été subtilisés à leurs
légitimes propriétaires.
Comment vole-t-on ? Pour prendre le contrôle d'un nom de domaine, il faut
généralement disposer des codes permettant de le gérer chez le registrar
auprès duquel il a été enregistré. Les tactiques pour y parvenir sont
similaires à celles utilisées dans la plupart des cas de vols d'identifiants
sur Internet. Le voleur va par exemple cibler le compte email du
propriétaire (dont l'adresse apparaît sur la fiche Whois du nom de domaine
en question). Plusieurs vols récents ont pu être effectués en exploitant des
failles de sécurités gmail par exemple.
Une fois qu'il s'est approprié les codes d'accès d'un nom de domaine, le
voleur peut se connecter aux systèmes du registrar et demander transfert du
nom vers un autre bureau d'enregistrement (aussi appelé "transfert
sortant"). Il prend de cette façon le contrôle du nom et le met en plus à
l'abri d'une récupération rapide en brouillant les pistes. Enfin, il peut
rediriger le trafic du nom de domaine vers un site de son choix ou une page
parking dont les liens sponsorisés lui apporteront un revenu en rapport avec
la notoriété du nom. Par exemple, sex.com, après son vol, générait jusqu'à
15 000 dollars US par jour à son ravisseur !
Pourquoi voler ? Généralement dans l'idée de les revendre rapidement, avant
que le vol ne soit rendu public, de manière à ce que l'acheteur ne puisse se
douter qu'il est victime de recel. Car si le voleur tarde trop à se
débarrasser de son butin, il risque de se faire pincer, l'ère du Far West
de l'Internet étant quand même révolue. Aujourd'hui, il est inimaginable de
pouvoir exploiter un nom de domaine volé pendant 5 ans sans que son vrai
propriétaire ne puisse le récupérer, façon sex.com. Les registrars et les
tribunaux sont maintenant informés des risques de vols, et ils n'hésitent
pas à agir, souvent en collaboration avec des instances de gouvernance
telles que l'Icann, organisme en charge de la régulation technique de
l'Internet.
Après, si le voleur parvient à vendre le nom, il peut disparaître avec
l'argent, laissant l'acquéreur se faire inquiéter. A terme, ce dernier se
retrouvera le bec dans l'eau. Le nom de domaine qu'il a acheté sera rendu à
son propriétaire légitime, et l'argent qu'il aura versé se volatilisera en
même temps que le voleur...
*Le bon sens avant tout*
On le voit, il y a plusieurs écueils à éviter. Alors, si vous avez un ou des
noms de domaine et que vous y tenez, pensez bien à :
- Vérifier que l'adresse email que vous utilisez comme identifiant sur le
nom est bien à jour (certains ont perdu des noms parce qu'ils ont laissé
expirer leur adresse email, qui a immédiatement été reprise par un tiers).
- Vérifier que l'accès à ce compte email est sécurisé.
- Prendre connaissance des mesures de sécurité mises en place par votre
registrar pour vous protéger (chez Indom par exemple, un client peut marquer
un nom comme critique et demander la vérification systématique des demandes
de transferts sortants reçues pour le nom).
- Surveiller vos dates d'expiration. Si vous oubliez de renouveler votre
nom, un tiers pourra l'enregistrer à votre place. Ce n'est pas un vol, mais
les conséquences sont les mêmes : vous perdez l'usage de votre nom.
Seulement dans ce cas, il sera très difficile de le récupérer : son nouveau
propriétaire l'ayant enregistré légitimement. Seul véritable possibilité,
racheter votre propre nom à son nouveau propriétaire...Qui sait très bien
que ce nom a une forte valeur à vos yeux, et risque d'en demander cher.
De même, si vous achetez des noms de domaine, il faut aussi vérifier
certains points pour ne pas se retrouver avec un nom volé :
- L'historique du nom. Si ce dernier a changé plusieurs fois de
propriétaire ou de registrar ces derniers mois, il vaut mieux savoir
pourquoi.
- L'identité du vendeur. Ce dernier accepte-t-il de converser par téléphone
ou de donner d'autres coordonnées qu'un simple email, gage de sa bonne foi ?
- Le moyen de paiement demandé. Un virement bancaire sera toujours plus
sécurisé qu'une transaction effectuée uniquement par le biais d'un système
de paiement plus ou moins anonyme comment il existe sur le Net.
Bien entendu, ces quelques conseils ne sont pas exhaustifs. Dans tous les
cas, c'est d'abord le bon sens qui prévaut. Gérer ses noms de domaine à la
légère, avec plusieurs adresses emails en identifiants, auprès de plusieurs
registrars qui se contentent de vous envoyer une relance email unique à la
date d'expiration (relance qui terminera probablement dans votre filtre
spam), c'est courir autant de risques et de se rapprocher du désastre.
Consolider ses noms chez un même registrar, société qu'on aura pris la peine
de connaître en s'assurant qu'elle ait au moins pignon sur rue (si elle
possède des bureaux en France c'est encore mieux, la communication et la
gestion d'éventuels litiges n'en sera que facilitée), souscrire auprès du
registrar à d'éventuels services permettant de se prémunir de transferts
sortants abusifs ou d'expirations non signalées, utiliser une adresse email
sécurisée pour ses noms... autant de précautions qui vous aideront à vous
protéger.
En matière de noms de domaine comme ailleurs, il ne sera jamais possible
d'empêcher des gens malhonnêtes de convoiter les biens d'autrui, surtout
quand ils ont beaucoup de valeur. Aux propriétaires légitimes d'en avoir
conscience, et d'éviter de "laisser son portefeuille en évidence, à
l'intérieur de sa voiture, lorsque celle-ci est garée dans un lieu public".
Une dernière astuce, à la fois pour vous protéger d'éventuels larcins et
pour mieux prendre conscience de l'ampleur du phénomène : le site
www.domaintheft.org. Comme ce nom l'indique, ce site recense les vols de
noms. Y sont listés environs 140 noms volés. C'est bien entendu une goutte
d'eau dans l'océan des 190 millions de noms de domaine déposés dans le monde
et il n'est pas question de verser dans le catastrophisme. Sauf si on vous
propose un de ces noms à l'achat... ou si l'un des noms de cette liste vous
appartenait.
Stéphane Van Gelde<http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/2866/stephane_van-gelder/>
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