[AfrICANN-discuss] Internet : l’Afrique insuffisamment impliquée dans la gestion des noms de domaine
Anne-Rachel Inné
annerachel at gmail.com
Thu Nov 5 13:09:15 SAST 2009
Internet : l’Afrique insuffisamment impliquée dans la gestion des noms de
domaine
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imprimable]<http://www.lesafriques.com/index2.php?option=com_content&task=view&id=19929&pop=1&page=0&Itemid=308>
*Anne-Rachel Inne, directrice des relations pour l’Afrique à l’ICANN, est
l’un des meilleurs experts du continent en politiques des TIC pour le
développement. Elle a, par exemple, travaillé depuis 1997 à la mise en place
de projets nationaux et régionaux avec plusieurs institutions régionales.
Elle presse les pays africains de s’impliquer davantage dans l’internet.*
*PROPOS RECUEILLIS PAR CHÉRIF ELVALIDE SÈYE*
http://www.lesafriques.com/industrie-et-services/internet-l-afrique-insuffisamment-impliquee-dans-la-gestion-des-noms-de-do.html?Itemid=308
*Les Afriques : Le contrat liant le Département américain du commerce à
l’organisme en charge des problématiques de noms de domaine et d’adresses IP
dans le monde (ICANN) a pris fin le 30 septembre. Qu’est-ce qui change
fondamentalement dans l’internet avec ce fait ?*
*Anne-Rachel Inné* : Avec l’affirmation des engagements, ou *affirmation of
commitments* en anglais, que l’ICANN et le gouvernement américain viennent
de signer, nous assistons tout d’abord à la reconnaissance du modèle
multiacteurs (gouvernements, société civile, secteur privé, académique,
utilisateurs) avec lequel l’ICANN a fonctionné depuis bientôt onze ans.
Ensuite, l’ICANN devient maintenant comptable devant toute la communauté
internationale et non plus seulement au Département du commerce américain, à
qui l’organisation envoyait les rapports d’étapes auxquels elle était
soumise depuis sa création en 1998. Des comités, qui seront composés de
membres de gouvernements siégeant au conseil consultatif gouvernemental et
d’experts et membres de la communauté, auront pour tâches de réexaminer
certains aspects de l’organisation et de suivre la mise en place des
recommandations appropriées. Ces comités effectueront des examens réguliers
des travaux de l’ICANN dans quatre domaines : la concurrence sur les
domaines génériques (tels que com et net), le traitement des données des
titulaires de noms de domaine, la sécurité, la stabilité du réseau et la
transparence des actions de l’ICANN, ainsi que la comptabilité et l’intérêt
public, le seul comité dans lequel l’Amérique conserve un siège permanent.
LA : L’Afrique est-elle concernée dans les faits par ce débat ?
*ARI* : Comme toutes les autres régions, l’Afrique est concernée par la
gouvernance de l’internet. Outil que nous utilisons souvent sans trop bien
comprendre d’ailleurs les tenants et aboutissants d’un nom de domaine ou
d’une adresse IP, ou même du réseau sur lequel ils reposent. Mais une fois
de plus, la région n’est pas très présente au niveau des constituantes de
l’ICANN, et particulièrement au conseil des gouvernements. Pour être tout à
fait honnête, l’Afrique est pratiquement absente en termes de contributions
aux travaux de l’ICANN, même dans les discussions sur les futurs nouveaux
noms de domaine, les noms de domaine internationalisés (IDNs), ou la mise en
place de l’affirmation des engagements. Pourtant, l’implication de l’Afrique
est essentielle dans le débat au niveau international pour que nous évitions
de simplement prendre ou consommer ce que les autres décident… car eux sont
là quand les décisions sont prises.
LA : L’Afrique gère désormais des noms de domaine. Est-ce que cela a changé
fondamentalement quelque chose ?
*ARI* : L’Afrique en majorité gère ses noms de code pays de premier niveau
appelés ccTLD, tel le .sn (Sénégal), .dz (Algérie), .za (Afrique du Sud).
Mais nous ne gérons encore aucun registre générique (gTLD). Nous avons trois
*registrars* (revendeurs) de noms de domaine agréés par l’ICANN, dont deux
non opérationnels.
Au niveau de l’infrastructure sur laquelle les ccTLDs reposent, nous sommes
très loin du compte en matière de gestion technique (exemple : sécurité) et
administrative (exemple : charte régissant le TLD) de ces noms de domaine.
D’où un manque d’appropriation locale de ces noms, qui sont pourtant les
portails, l’identité de nos pays sur Internet, et l’abondance des noms de
domaine génériques et autres adresses emails gratuites.
Le changement s’amorce avec l’Association des gérants de noms de domaine
pays (AfTLD), qui devient plus active aujourd’hui pour, par exemple, former
les gérants aux normes de gestion internationales. L’Afrique a un registre
Internet régional, AfriNIC, qui distribue les adresses IP. Il existe une
organisation qui aide les réseaux d’éducation et de recherche, AfREN, et une
autre, AfNOG, qui aide les opérateurs de réseaux en les formant aux
dernières techniques internationales. Disons que nous pourrions faire
beaucoup mieux. Cela demande de la volonté de la part de tous, et surtout de
nos dirigeants, pour que les efforts faits se traduisent en profits pour
tous au niveau local.
LA : Quels sont les enjeux pour l’Afrique de la gestion des noms de
domaine ? Que doit-on faire ? A-t-on seulement une claire conscience de ces
enjeux ?
*ARI* : Les enjeux sont énormes sur le plan économique et pour le
développement. Le prochain sommet des chefs d’Etat africains en janvier 2010
sera consacré aux technologies de l’information et leur apport au
développement. Nous disons souvent que l’internet est une technologie
transformatrice qui va continuer à nous mobiliser tous au niveau global, à
stimuler l’innovation, faciliter les échanges et le commerce, et permettre
la circulation libre et sans entrave de l’information.
Nous devons faire en sorte que nos réseaux locaux soient la fondation de nos
futurs e-gouvernement, e-éducation, e-santé et autres e-commerce dans nos
pays. Aujourd’hui, je dirais que les ccTLDs, comme les adresses IP, font
partie de l’infrastructure de base de la région et de nos pays. Car,
qu’elles que soient les largeurs de bande passante que nous aurons, si les
contenus et l’innovation ne sont pas au rendez-vous au niveau local, nous
n’avancerons pas dans cette société de l’information que, pourtant, notre
région a aidé à conceptualiser depuis le départ.
La déclaration finale de la Conférence régionale africaine en mai 2002 à
Bamako disait déjà, entre autres, que « *la création des contenus locaux est
d’une très grande importance* » ou que la mise à la disposition de tous les
citoyens des moyens leur permettant d’utiliser les réseaux dans un esprit de
service public sont des pré-requis que tous, et notamment les gouvernants,
doivent encourager et aider à créer.
Je suis sûre que, comme moi, beaucoup rêvent de faire une demande de visa en
ligne partout en Afrique, d’aider les membres de leur famille à payer leurs
impôts en ligne ou de faire une demande de passeport ou une demande de
diagnostic en ligne. En usagers éclairés, nous demanderons bien sûr que nos
informations personnelles et confidentielles soient sur des sites locaux en
.sn pour vous, .ne pour moi, et ainsi de suite, et que nos juridictions
soient éclairées sur le sujet et puissent nous aider en cas de litiges.
Je suis certaine qu’aujourd’hui les utilisateurs et les entreprises dans
tous les pays africains seraient ravis d’avoir un nom de domaine local si,
en technicité et administration, ils pouvaient rivaliser avec les autres qui
sont aux normes internationales. C’est donc une question de confiance à
instaurer au niveau local, une bonne gouvernance à mettre en place pour que
tous y adhèrent. Dans certains pays du continent, c’est déjà le cas.
LA : Que pensent les institutions africaines du sujet ? Sont-elles
impliquées ?
*ARI* : Elles le sont à l’ICANN. La Commission de l’Union africaine, l’Union
africaine des télécommunications (UAT), la Commission économique pour
l’Afrique (CEA) sont toutes présentes au GAC. Seulement, dans l’internet
comme ailleurs, il y a beaucoup de choses qui ressortent de la souveraineté
nationale, telles que décrites dans l’Agenda de Tunis du SMSI, et donc,
malgré les efforts des institutions régionales qui, il faut le reconnaitre,
n’ont pas beaucoup de ressources, si les Etats membres ne s’impliquent pas
localement, nous n’arriverons pas à certaines choses comme des ccTLDs
performants, à des contenus qui amèneront les populations locales à utiliser
les réseaux, à une utilisation qui génèrera certainement beaucoup
d’innovations de notre jeunesse en termes d’applications sur les réseaux par
exemple.
LA : Vous résidez au Niger, l’ICANN a-t-elle des bureaux en Afrique ?
*ARI* : Cela a toujours été en projet et nous en aurons bientôt un, je
l’espère, car l’affirmation des engagements dit, entre autres, que l’ICANN
gardera un siège aux Etats-Unis et aura des bureaux partout dans le monde
pour répondre aux besoins de la communauté mondiale. L’organisation est très
jeune et ses ramifications seront à la hauteur des ambitions de la
communauté puisque, maintenant, c’est la communauté internationale qui est
aux commandes.
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